UnRoi sans divertissement, un film de François Leterrier de 1963. En 1840, sur le plateau enneigĂ© de l'Aubrac, le capitaine de gendarmerie Langlois vient en plein hiver enquĂȘter sur la disparition d'une jeune fille du village. Il tente de s'identifier Ă  l'assassin a
Ă  partir des PensĂ©es de Pascal Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. ​Un misĂ©rable qu'on divertit est un Roi sur la Terre Un Roi aux cent enchantements est un homme plein de mystĂšres Un Roi sans reine est un homme plein de maniĂšres VĂ©ritĂ© en deçà des PyrĂ©nĂ©es, erreur au-delĂ . La vĂ©ritĂ© n'est pas en deçà des PyrĂ©nĂ©es ni l'erreur au-delĂ . C'est aussi ĂȘtre grand, que de connaĂźtre qu'on est misĂ©rable. C'est au moment oĂč on se croit le plus admirable que l'on ne grandit plus Le cƓur a ses raisons que la raison ne connaĂźt point Le cƓur a ses saisons que les saisons n'ignorent pas. L'esprit a ses raisons que le coeur dĂ©daigne Le cƓur a ses secrets que l'inconscient ne peut trouver Le moi est haĂŻssable. ​le toi est admirable la loi est haĂŻssable La loi est insaissable Le roi est incassable Le nous est adorable Le moi est insatiable Le nous est prĂ©fĂ©rable L'homme n'est ni ange, ni bĂȘte, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bĂȘte. L'homme n'est ni animal ni plante et le malheur veut que qui fait l'animal se plante L'homme n'est qu'un roseau le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant L'homme n'est qu'un fardeau le plus faible de la nature mais c'est un fardeau pesant. A mesure qu’on a plus d’esprit, on trouve qu’il y a plus d’hommes originaux. A mesure qu'on a moins d'esprit, on trouve que tous les hommes se ressemblent. CatĂ©gories MĂ©thodes

Cest un homme blessé moralement qui écrivit Un roi sans divertissement, publié en 1947. Titre inspiré par le propos du philosophe Pascal : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misÚres ».

ï»żLe divertissement est pour l’homme le moyen de se dĂ©tourner — de se divertir au sens propre — de la misĂšre de la vie, de se dissimuler la vanitĂ© de sa condition, d’ignorer l’ennui et l’inquiĂ©tude, deux termes trĂšs forts, Ă  entendre comme une angoisse profonde. Le divertissement, c’est tout ce qui ne mĂšne pas Ă  Dieu, et, si Pascal insiste tant, c’est qu’il lui faut renverser l’obstacle que le divertissement dresse contre son projet d’apologie. Les hommes n’ayant pu guĂ©rir la mort, la misĂšre, l’ignorance, ils se sont avisĂ©s, pour se rendre heureux, de n’y point penser » 166-133, Ă©nonce un fragment de la liasse Divertissement » des PensĂ©es. Ou encore, un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres » 169-137, expression dont Jean Giono fera le titre d’un de ses meilleurs romans. Le divertissement permet de s’aveugler sur notre monde, que Pascal nous dĂ©peint comme une prison, un terrifiant cachot que nous voulons fuir. Or voici le paradoxe Quand je m’y suis mis quelquefois Ă  considĂ©rer les diverses agitations des hommes et les pĂ©rils et les peines oĂč ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’oĂč naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre » 168-136. Oui, qu’il serait bon de se retirer, de s’arrĂȘter !C’était l’idĂ©al de la sagesse antique. Mais non, la pensĂ©e de derriĂšre » nous rappelle qu’il n’y a rien de mieux que les vacances ou la retraite pour donner la migraine et la mĂ©lancolie. DĂšs que nous nous arrĂȘtons, nous sommes confrontĂ©s Ă  notre condition. [
] quand j’ai pensĂ© de plus prĂšs et qu’aprĂšs avoir trouvĂ© la cause de tous nos malheurs j’ai voulu en dĂ©couvrir la raison, j’ai trouvĂ© qu’il y en a une bien effective et qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misĂ©rable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de prĂšs. » La suite Ă  Ă©couter

Citationde Blaise Pascal - Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. Accueil; Auteurs ; ThĂšmes; Citation de Blaise Pascal “Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres.” ― Blaise Pascal. Source: PensĂ©es, Blaise Pascal, Ă©d. Gallimard (Ă©dition de Michel Le Guern), coll. Folio classique, 1977 (ISBN 2070316254), p.

Dictionnaire des citationsIl n'y a que les mots qui comptent, – le reste n'est que bavardage. [ EugĂšne Ionesco ] Chaque citation exprime les opinions de son auteur et ne saurait engager Dicocitations. citations fĂ©vrier 26, 2012 FrĂ©dĂ©rick JĂ©zĂ©gou Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. PascalLe Dico des citations← Nous vivons Ă  une Ă©poque oĂč, pour avoir du poids, il faut faire du passe une vie Ă  remplir une maison ; et quand elle est pleine, on casse les choses pour pouvoir les remplacer, pour avoir quelque chose Ă  faire le lendemain. On va mĂȘme jusqu’à casser son couple pour se projeter dans une autre histoire, un autre futur, une autre maison. Une autre vie Ă  remplir. → Une pensĂ©e sur “Un Roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres.” CochonfuciusaoĂ»t 3, 2012 Ă  1009Permalink Facile pour lui de s'en crĂ©er. Commentaires fermĂ©s. © 2001- 2022 FrĂ©dĂ©ric JĂ©zĂ©gou - & Dicocitations SAS - DonnĂ©es personnelles - Plan du site - Mentions lĂ©gales La base de donnĂ©es des citations est la propriĂ©tĂ© exclusive de FrĂ©dĂ©ric JĂ©zĂ©gou producteur du contenu . Unroi sans divertissement (1947), Ă©crit en vingt-sept jours par Jean Giono, est, selon Pierre Michon, « un des sommets de la littĂ©rature universelle ». 50 ans aprĂšs la disparition du grand Ă©crivain, Jean Dufaux et Jacques Terpant lui rendent hommage avec une adaptation libre qui magnifie les paysages flamboyants du TriĂšves, chers Ă  l’auteur.
... est un homme plein de misĂšres." Qui a dit cela ? C'est la derniĂšre question que nous pose Jean Giono avant de nous laisser refermer son livre, qui a d'ailleurs titre Un roi sans divertissement. Bon, c'est Pascal, qui a dit ça, mais je laisse le soin Ă  Giono et Ă  son trĂšs beau Langlois le soin de vous expliquer ce que ça peut bien vouloir dire. Le livre est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage Ă©tait l'Arbre, le HĂȘtre. Le dĂ©part, brusquement, c'est la dĂ©couverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'arbre, puis la victime, nous avons commencĂ© par un ĂȘtre inanimĂ©, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscitĂ© l'assassin tout simplement, et aprĂšs, l'assassin a suscitĂ© le justicier. C'Ă©tait le roman du justicier que j'avais Ă©crit. C'Ă©tait celui-lĂ  que je voulais Ă©crire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien Ă  faire dans l'histoire. Je ne sais pas si j'arriverais vraiment Ă  rĂ©sumer, ni mĂȘme Ă  esquisser le fond de ce bouquin un petit village perdu au fond de la campagne, coupĂ© de tout, qui s'Ă©rige presque en autre monde sous les yeux du lecteur, et oĂč pendant presque trois ans, tous les hivers, une personne disparaĂźtra. La peur, l'angoisse de l'anormal qui vous tombe dessus... Mais voilĂ  qu'arrive le capitaine Langlois avec sa pipe et son potentiel de sauveur. Langlois... Je crois que ce type fait partie des quatre ou cinq personnages que je donnerais volontiers pour modĂšle Ă  celui qui voudrait bien me fabriquer l'Homme IdĂ©al. Langlois, c'est Athos sans ses trois amis, c'est Platonov sans femmes. Mais c'est aussi et avant tout le personnage qui Ă©volue dans le vide, qui ne parvient pas Ă  trouver d'attrait rĂ©el en la vie, et qui sera plus ou moins hantĂ© par le fait que le meurtrier du HĂȘtre, l'homme qu'il a abattu, en avait trouvĂ© un, lui la BeautĂ©. Mettez Langlois dans un dĂ©cor de neige noire qui ne fond jamais, mĂȘme lorsque l'Auteur se dĂ©cide Ă  Ă©voquer le retour du printemps, avec la tenanciĂšre Saucisse et les habitants curieux mais trop timides, tout cela servi avec l'Ă©criture pleine d'humour et de poĂ©sie de Giono, qui dĂ©friche son mystĂšre sans daigner l'expliquer autrement que par des dialogues en demi-teintes, au prĂ©sent et au futur. Eh bien, vous avez un chef d'oeuvre blanc, l'illustration mĂȘme de cette phrase de Saucisse, prise hors contexte "Ah ! l'encre, ça en fait faire, des bĂȘtises". Un trĂšs beau livre, vraiment.
- « Un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres. » (Blaise Pascal) #VendrediLecture Temps de lecture 30 minutes Il est vrai que c’est ĂȘtre misĂ©rable, que de se connaĂźtre misĂ©rable ; mais c’est aussi ĂȘtre grand, que de connaĂźtre qu’on est misĂ©rable. Ainsi toutes ses misĂšres prouvent sa grandeur. Ce sont misĂšres de grand Seigneur, misĂšres d’un Roi dĂ©possĂ©dĂ©. MĂȘme s'il dit lui-mĂȘme que "se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher" 513-4, il est certes contestable de faire de Pascal un philosophe alors qu'il n'a d'autre dessein que de faire l'apologie de la religion chrĂ©tienne au regard de la misĂšre de l'homme sans dieu. S'il admet les failles de la raison, c'est pour les boucher immĂ©diatement avec le dogme hĂ©ritĂ© "Deux excĂšs exclure la raison, n'admettre que la raison". Il est justement intĂ©ressant de voir comme le vrai peut venir du faux, et ce que la religion - qui a pris la suite des philosophies du bonheur et de leur Ă©chec - peut rĂ©vĂ©ler de nous et de nos faiblesses comme de notre incomplĂ©tude. En effet, cette luciditĂ© n'aurait sans doute pas Ă©tĂ© permise s'il n'en proposait immĂ©diatement le remĂšde trompeur de la foi dans une vĂ©ritĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e, autre façon de s'empĂȘcher de penser. Il faut dire que cette voie chrĂ©tienne vers le bonheur se distingue du tout au tout des philosophies du bonheur prĂ©cĂ©dentes d'abord par le rejet du moi haĂŻssable jusqu'au sacrifice qui non seulement se prive des plaisirs mais valorise la souffrance ce qui ferait gagner des points pour son ciel. L'essentiel, c'est de se dĂ©livrer du souci de soi pour renvoyer la charge de la cause sur un Autre. Cette religion du suppliciĂ© comporte incontestablement une dimension masochiste avec l'image sanglante d'un homme clouĂ© Ă  sa croix et suscitant la pitiĂ©, supposĂ© prendre sur lui toute la souffrance du monde. Ce douloureux calvaire est on ne peut plus Ă©loignĂ© de l'ataraxie du sage mais s'estime pourtant trĂšs supĂ©rieur Ă  cette misĂ©rable sagesse trop humaine - un Dieu seul pouvant nous sauver ni la raison, ni le plaisir. On n'est pas ici dans la fonction politique de la religion mais dans sa fonction thĂ©rapeutique par laquelle elle rejoint malgrĂ© tout les philosophies du bonheur, apportant satisfaction Ă  de profonds dĂ©sirs et de grandes espĂ©rances. Une des diffĂ©rences les plus notables, constituant la supĂ©rioritĂ© du chrĂ©tien sur le sage, c'est de reconnaĂźtre ses propres pĂ©chĂ©s et insuffisances, ce qui lui fait adopter une position d'humilitĂ© qui contraste avec l'orgueil du maĂźtre. C'est un avantage et il faut bien dire que, malgrĂ© toutes ses qualitĂ©s exceptionnelles, il est en effet trĂšs difficile de prendre Pascal en modĂšle. Certes, c'est un gĂ©nie extraordinairement prĂ©coce en mathĂ©matique - il a inventĂ© une machine Ă  calculer Ă  18 ans, Ă©crit des traitĂ©s gĂ©omĂ©triques plus jeune encore, prouvĂ© l'existence du vide, etc. Cependant, il avait les nerfs fragiles, il Ă©tait dĂ©pressif, colĂ©rique, souffreteux. On est bien dans le pathologique. En octobre 1654, Ă  31 ans, alors que son carrosse a failli tomber dans le vide, retenu comme par miracle, il en est tellement choquĂ© qu'il en perd conscience et fait une expĂ©rience mystique qu'il dĂ©crira dans un papier, "le MĂ©morial", qu'il portait toujours sur lui, cousu dans son veston. Il y aurait beaucoup plus Ă  dire sur son enfance et sa fragilitĂ© psychique mais cela suffit Ă  montrer que sa dĂ©votion chrĂ©tienne n'avait vraiment rien Ă  voir avec le fameux "pari de Pascal" qui prĂ©tend jouer la vĂ©ritĂ© aux dĂ©s en Ă©valuant la probabilitĂ© des plaisirs et des peines ici-bas et dans l'au-delĂ . MĂȘme s'il prĂ©tend que "il y a trois moyens de croire la raison, la coutume, l'inspiration", il est dĂ©jĂ  scandaleux de faire de la foi un calcul incertain, n'ayant rien Ă  voir avec les vĂ©ritables raisons de nos croyances - toute l'apologie de la religion chrĂ©tienne Ă©tant bien la dĂ©monstration que la religion rĂ©pond Ă  nos besoins les plus intimes. Mais, lĂ  oĂč on frise l'arnaque, c'est que l'application du calcul de probabilitĂ© qu'il avait inventĂ© perd absolument tout sens Ă  mettre l'infini d'un cĂŽtĂ©. Il y a lĂ  une forme de "mauvaise foi" incontestable. On aura compris qu'il n'y a nulle bonne raison de donner crĂ©dit Ă  ses "pensĂ©es" sinon que plusieurs puissent nous sembler Ă©tonnamment vraies. Il ne peut ĂȘtre question d'adopter ses croyances mais de reconnaĂźtre, dans sa critique implacable, la rĂ©alitĂ© de nos existences dĂ©niĂ©e par l'idĂ©alisme et par les philosophies du bonheur, notamment ce terrible ennui qui nous poursuit et nous prĂ©cipite dans le divertissement pour nous empĂȘcher de penser Ă  nous et Ă  notre avenir. C'est aussi ce qui fait la valeur du travail et rend si invivable le chĂŽmage et bien sĂ»r la prison. On ne prend pas assez la mesure de l'importance fondamentale, ontologique, de l'ennui. Les dieux grecs eux-mĂȘmes craignaient l'ennui, un temps sans histoire, ce serait mĂȘme selon HĂ©siode la raison de la crĂ©ation du monde et de l'humanitĂ©, pour les divertir, de mĂȘme que, dans la Bible, Eve est créée pour sortir Adam de l'ennui ! Si Pascal voit bien son importance dans la vie de cour d'aristocrates dĂ©soeuvrĂ©s, s'occupant des jeux les plus futiles, il ne va pas jusqu'Ă  reconnaĂźtre que la religion est sans doute le plus grand des divertissements, nous dĂ©livrant du non-sens premier et de devoir donner nous-mĂȘmes un sens Ă  notre existence, nous projeter dans le futur forcĂ©ment collectif et non jouir du prĂ©sent comme le prĂ©tendent toutes les sagesses, ni suivre simplement son destin. Ce que l'ennui manifeste, c'est en effet qu'on ne se satisfait pas du corps ni d'une nature donnĂ©e, mais qu'on a besoin d'une cause extĂ©rieure, des autres, ou d'un grand Autre sous la forme d'un Dieu hĂ©ritĂ© du pĂšre dont l'avantage est qu'on l'a toujours sous la main ! Sinon, l'ennui profond est bien le sentiment d'un manque, voire la conscience de notre nullitĂ©, mais, sauf quand il n'est que l'impatience d'un ailleurs ou de pouvoir se jeter dans l'action, il manifeste plutĂŽt le manque du manque, nos passe-temps rendus Ă  leur vanitĂ©, nous laissant inoccupĂ©s et sans avenir, manque de dĂ©sir et de motivation plus encore que d'idĂ©al, et donc sans fin assignable. Il faut rappeler les 3 sortes d'ennui que distinguera Heidegger l'ennui accidentel de l'attente d'un train qui cherche un passe-temps, l'ennui mondain des soirĂ©es inutiles qui sont une perte de temps, et l'ennui profond d'une indiffĂ©rence qui nous concerne intimement. Cet ennui est supposĂ© pouvoir nous ouvrir aux possibles qui pourtant se refusent et serait mĂȘme au fondement de notre libertĂ© de nous choisir nous-mĂȘmes tout comme nos engagements. Il est ainsi de bon ton Ă  l'Ă©poque numĂ©rique de regretter le bon temps de l'ennui, nous forçant Ă  la crĂ©ativitĂ©, ce qui n'est pas faux sans doute mais tous nos appareils n'empĂȘchent pas de s'ennuyer et le vrai, c'est que c'est un Ă©tat trĂšs pĂ©nible, et mĂȘme souvent suicidaire Ă  se soustraire au monde, sortir du jeu et de l'illusio, en tout cas la dure Ă©preuve de la durĂ©e. La critique du divertissement prĂ©figure la critique de l'aliĂ©nation ou du spectacle, bien avant nos technologies, mais, s'il n'y a pas d'harmonie prĂ©alable, de nature Ă  suivre, de plaisir satisfaisant, la question doit ĂȘtre reprise sous un autre angle que celle d'une altĂ©ration, d'une dĂ©naturation dĂšs lors qu'elle est dĂ©jĂ  au dĂ©part. "La nature de l’homme est toute nature, omne animal. Il n’y a rien qu’on ne rende naturel. Il n’y a naturel qu’on ne fasse perdre". Il semble bien que ce ne soit pas seulement une invention de la religion notre pĂ©chĂ© originel de ne pas pouvoir se suffire Ă  soi-mĂȘme, de ne pas avoir de remĂšde vĂ©ritable contre la conscience de la mort ni aboutir Ă  une fin heureuse "Le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comĂ©die en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tĂȘte, et en voilĂ  pour jamais". Ce n'est pas une raison pour autant d'accepter l'ordre Ă©tabli comme un ordre divin, et ne pas chercher Ă  l'amĂ©liorer au moins, sous prĂ©texte que ce ne sera jamais parfait et qu'il y aura toujours de la souffrance. L'ennui nous pousse au contraire Ă  l'action et l'engagement mĂȘme s'il ne devrait plus ĂȘtre possible de promettre le bonheur ou de retrouver une authenticitĂ© originelle surtout aprĂšs l'expĂ©rience de la psychanalyse, ici dĂ©cisive pour continuer la phĂ©nomĂ©nologie du dĂ©sir et empĂȘcher de rĂȘver Ă  un homme nouveau. Bien sĂ»r il est plus dĂ©sespĂ©rant, et difficilement supportable, d'admettre l'Ă©chec de la philosophie, assez prouvĂ© par l'expĂ©rience, s'il n'y a pas de Dieu cachĂ© pour nous en consoler et tenir ses promesses comme pour les Romains passant du stoĂŻcisme au christianisme. AprĂšs la "mort de Dieu", l'ennui va devenir le Mal du siĂšcle, l'Ă©tat d'Ăąme du nihilisme confrontĂ© Ă  l'absence de sens, confirmation de "la misĂšre de l'homme sans Dieu". Il ne suffit pas de prĂ©tendre "vivre sans temps mort" ou multiplier les expĂ©riences extrĂȘmes pour conjurer le vide. Cela devrait plutĂŽt nous ramener Ă  plus d'humilitĂ©, au savoir de l'ignorance d'un Socrate et sa critique de la sagesse contre les prĂ©tentions des demi-savants, mais, en tout cas, l'unitĂ© de la pensĂ©e et de l'ĂȘtre est bien dĂ©finitivement brisĂ©e malgrĂ© les innombrables tentatives de la reconstituer. Il nous faut revenir Ă  nos existences concrĂštes et nos rapports humains, dans leur finitude, leur singularitĂ©, avec leurs mauvais cĂŽtĂ©s et leurs bonheurs relatifs ou passagers, loin des promesses des grands systĂšmes et des formules magiques. ReconnaĂźtre la rĂ©alitĂ© serait donc admettre qu'il n'y a pas d'assurance bonheur ni de complĂšte satisfaction possible en ce monde imparfait, nous dĂ©livrant ainsi d'une quĂȘte malheureuse, d'une lutte contre l'aliĂ©nation devenue encore plus aliĂ©nante, comme du souci de soi et de sa petite existence le moi haĂŻssable, pour se tourner vers l'enfer des autres dont on veut ĂȘtre aimĂ© ou reconnu ? Si on y gagne de sortir de l'impasse narcissique et de l'obsession de la jouissance ou de nos nĂ©vroses, ce n'est pas pour autant que ce "divertissement" de soi nous rendrait beaucoup plus heureux puisque, la plupart du temps, ce sont les autres qui nous font souffrir, mĂȘme si on y trouve aussi le rĂ©confort. LĂ -dessus, Pascal, qui n'est pas trĂšs charitable, ne nous laisse aucune illusion non plus. "Je mets au fait que si tous les hommes savaient ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait pas quatre amis dans le monde". A dĂ©faut d'un Dieu, ce qui peut nous sauver, c'est la transcendance du monde, le souci de sa prĂ©servation, non pas seulement de l'humanitĂ© mais de l'existence du monde que nous habitons et de son Ă©volution Ă©cologique et cognitive dont nous sommes le rĂ©sultat et qui nous donne sens. VoilĂ  certainement ce qui peut donner valeur Ă  notre action et nous dĂ©cider Ă  participer Ă  cette extĂ©rioritĂ© objective mais c'est sans doute en ne mettant pas trop l'homme au centre de façon autorĂ©fĂ©rentielle, en arrĂȘtant de l'idĂ©aliser et d'en attendre des merveilles, qu'on pourra se supporter plus facilement et agir ensemble pour le bien commun, voire s'aimer avec tous nos dĂ©fauts et ce terrible ennui qui nous vide de l'intĂ©rieur et dont on ne craint rien tant qu'il ne revienne. ContrariĂ©tĂ©s Ă©tonnantes qui se trouvent dans la nature de l’homme Ă  l’égard de la vĂ©ritĂ©, du bonheur, et de plusieurs autres choses. Rien n’est plus Ă©trange dans la nature de l’homme que les contrariĂ©tĂ©s que l’on y dĂ©couvre Ă  l’égard de toutes choses. Il est fait pour connaĂźtre la vĂ©ritĂ© ; il la dĂ©sire ardemment, il la cherche ; et cependant quand il tĂąche de la saisir, il s’éblouit et se confond de telle sorte, qu’il donne sujet de lui en disputer la possession. C’est ce qui a fait naĂźtre les deux sectes de Pyrrhoniens [sceptiques] et de Dogmatistes, dont les uns ont voulu ravir Ă  l’homme toute connaissance de la vĂ©ritĂ©, et les autres tĂąchent de la lui assurer ; mais chacun avec des raisons si peu vraisemblables qu’elles augmentent la confusion et l’embarras de l’homme, lorsqu’il n’a point d’autre lumiĂšre que celle qu’il trouve dans sa nature. [...] VoilĂ  ce qu’est l’homme Ă  l’égard de la vĂ©ritĂ©. ConsidĂ©rons-le maintenant Ă  l’égard de la fĂ©licitĂ© qu’il recherche avec tant d’ardeur en toutes ses actions. Car tous les hommes dĂ©sirent d’ĂȘtre heureux ; cela est sans exception. Quelques diffĂ©rents moyens qu’il y emploient, ils tendent tous Ă  ce but. Ce qui fait que l’un va Ă  la guerre, et que l’autre n’y va pas, c’est ce mĂȘme dĂ©sir qui est dans tous les deux accompagnĂ© de diffĂ©rentes vues. La volontĂ© ne fait jamais la moindre dĂ©marche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui se tuent et qui se pendent. Et cependant depuis un si grand nombre d’annĂ©es, jamais personne sans la foi n’est arrivĂ© Ă  ce point, oĂč tous tendent continuellement. Tous se plaignent, Princes, sujets ; nobles, roturiers ; vieillards, jeunes ; forts, faibles ; savants, ignorants ; sains, malades ; de tous pays, de tous temps, de tous Ăąges, et de toutes conditions. Une Ă©preuve si longue, si continuelle, et si uniforme devrait bien nous convaincre de l’impuissance oĂč nous sommes, d’arriver au bien par nos efforts. Mais l’exemple ne nous instruit point. Il n’est jamais si parfaitement semblable, qu’il n’y ait quelque dĂ©licate diffĂ©rence ; et c’est de lĂ  que nous attendons que notre espĂ©rance ne sera pas déçue en cette occasion comme en l’autre. Ainsi le prĂ©sent ne nous satisfaisant jamais, l’espĂ©rance nous pipe, et de malheur en malheur nous mĂšne jusqu’à la mort qui en est le comble Ă©ternel. [...] La nature nous rendant toujours malheureux en tous Ă©tats, nos dĂ©sirs nous figurent un Ă©tat heureux parce qu’ils joignent Ă  l’état oĂč nous sommes les plaisirs de l’état oĂč nous ne sommes pas et quand nous arriverions Ă  ces plaisirs nous ne serions pas heureux pour cela parce que nous aurions d’autres dĂ©sirs conformes Ă  ce nouvel Ă©tat. [...] Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur en nous. Nos passions nous poussent au dehors, quand mĂȘme les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux—mĂȘmes, et nous appellent, quand mĂȘme nous n’y pensons pas. Ainsi les Philosophes ont beau dire rentrez en vous mĂȘmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas ; et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots. Car qu’y a-t-il de plus ridicule et de plus vain que ce que proposent StoĂŻciens, et de plus faux que tous leurs raisonnements ? Ils concluent qu’on peut toujours ce qu’on peut quelquefois, et que puisque le dĂ©sir de la gloire fait bien faire quelque chose Ă  ceux qu’il possĂšde, les autres le pourront bien aussi. Ce sont des mouvements fiĂ©vreux que la santĂ© ne peut imiter. La guerre intĂ©rieure de la raison contre les passions a fait que ceux qui ont voulu avoir la paix se sont partagĂ©s en deux sectes. Les uns ont voulu renoncer aux passions, et devenir Dieux. Les autres ont voulu y renoncer Ă  la raison, et devenir bĂȘtes. Mais ils ne l’ont pu ni les uns ni les autres ; et la raison demeure toujours qui accuse la bassesse et l’injustice des passions, et trouble le repos de ceux qui s’y abandonnent et les passions sont toujours vivantes dans ceux mĂȘmes qui veulent y renoncer. VoilĂ  ce que peut l’homme par lui-mĂȘme et par ses propres efforts Ă  l’égard du vrai, et du bien. Nous souhaitons la vĂ©ritĂ©, et ne trouvons en nous qu’incertitude. Nous cherchons le bonheur, et ne trouvons que misĂšre. Nous sommes incapables de ne pas souhaiter la vĂ©ritĂ© et le bonheur, et sommes incapables et de certitude et de bonheur. [...] Ce qui m’étonne le plus est de voir que tout le monde n’est pas Ă©tonnĂ© de sa faiblesse. On agit sĂ©rieusement et chacun suit sa condition, non pas parce qu’il est bon en effet de la suivre, puisque la mode en est, mais comme si chacun savait certainement oĂč est la raison et la justice. On se trouve déçu Ă  toute heure et par une plaisante humilitĂ© on croit que c’est sa faute et non pas celle de l’art qu’on se vante toujours d’avoir. Mais il est bon qu’il y ait tant de ces gens-lĂ  au monde qui ne soient pas pyrrhoniens pour la gloire du pyrrhonisme, afin de montrer que l’homme est bien capable des plus extravagantes opinions, puisqu’il est capable de croire qu’il n’est pas dans cette faiblesse naturelle et inĂ©vitable, et de croire, qu’il est au contraire dans la sagesse naturelle. Le dĂ©sir de reconnaissance Nous avons une si grande idĂ©e de l’ñme de l’homme, que nous ne pouvons souffrir d’en ĂȘtre mĂ©prisĂ©s, et de n’ĂȘtre pas dans l’estime d’une Ăąme et toute la fĂ©licitĂ© des hommes consiste dans cette estime. Si d’un cĂŽtĂ© cette fausse gloire que les hommes cherchent est une grande marque de leur misĂšre, et de leur bassesse, c’en est une aussi de leur excellence. Car quelques possessions qu’il ait sur la terre, de quelque santĂ© et commoditĂ© essentielle qu’il jouisse, il n’est pas satisfait s’il n’est dans l’estime des hommes. Il estime si grande la raison de l’homme, que quelque avantage qu’il ait dans le monde, il se croit malheureux, s’il n’est placĂ© aussi avantageusement dans la raison de l’homme. C’est la plus belle place du monde rien ne le peut dĂ©tourner de ce dĂ©sir ; et c’est la qualitĂ© la plus ineffaçable du cƓur de l’homme. Jusque lĂ  que ceux qui mĂ©prisent le plus les hommes et qui les Ă©galent aux bĂȘtes, en veulent encore ĂȘtre admirĂ©s, et se contredisent Ă  eux mĂȘmes par leur propre sentiment ; leur nature qui est plus forte que toute leur raison les convainquant plus fortement de la grandeur de l’homme, que la raison ne les convainc de sa bassesse. L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Ainsi toute notre dignitĂ© consiste dans la pensĂ©e. C’est de lĂ  qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durĂ©e. Travaillons donc Ă  bien penser. VoilĂ  le principe de la morale. [...] Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous, et en notre propre ĂȘtre nous voulons vivre dans l’idĂ©e des autres d’une vie imaginaire ; et nous nous efforçons pour cela de paraĂźtre. Nous travaillons incessamment Ă  embellir et conserver cet ĂȘtre imaginaire, et nĂ©gligeons le vĂ©ritable. Et si nous avons ou la tranquillitĂ©, ou la gĂ©nĂ©rositĂ©, ou la fidĂ©litĂ©, nous nous empressons de le faire savoir, afin d’attacher ces vertus Ă  cet ĂȘtre d’imagination nous les dĂ©tacherions plutĂŽt de nous pour les y joindre ; et nous serions volontiers poltrons, pour acquĂ©rir la rĂ©putation d’ĂȘtre vaillants. Grande marque du nĂ©ant de notre propre ĂȘtre, de n’ĂȘtre pas satisfait de l’un sans l’autre, et de renoncer souvent Ă  l’un pour l’autre ! Car qui ne mourrait pour conserver son honneur, celui-lĂ  serait infĂąme. [...] La vanitĂ© est si ancrĂ©e dans le cƓur de l’homme, qu’un goujat, un marmiton, un crocheteur se vante, et veut avoir ses admirateurs. Et les Philosophes mĂȘmes en veulent. Ceux qui Ă©crivent contre la gloire, veulent avoir la gloire d’avoir bien Ă©crit ; et ceux qui le lisent, veulent avoir la gloire de l’avoir lu ; et moi qui Ă©cris ceci, j’ai peut-ĂȘtre cette envie ; et peut ĂȘtre que ceux qui le liront l’auront aussi. [...] Nous sommes si prĂ©somptueux, que nous voudrions ĂȘtre connus de toute la terre, et mĂȘme des gens qui viendront quand nous ne serons plus. Et nous sommes si vains, que l’estime de cinq ou six personnes qui nous environnent nous amuse et nous contente. L'inquiĂ©tude humaine Nous ne nous tenons jamais au prĂ©sent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent, et comme pour le hĂąter ; ou nous rappelons le passĂ© pour l’arrĂȘter comme trop prompt. Si imprudents, que nous errons dans les temps qui ne sont pas Ă  nous, et ne pensons point au seul qui nous appartient et si vains, que nous songeons Ă  ceux qui ne sont point, et laissons Ă©chapper sans rĂ©flexion le seul qui subsiste. C’est que le prĂ©sent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons Ă  notre vue, parce qu’il nous afflige ; et s’il nous est agrĂ©able, nous regrettons de le voir Ă©chapper. Nous tĂąchons de le soutenir par l’avenir, et pensons Ă  disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps oĂč nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine sa pensĂ©e. Il la trouvera toujours occupĂ©e au passĂ© et Ă  l’avenir. Nous ne pensons presque point au prĂ©sent ; et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre des lumiĂšres, pour disposer l’avenir. Le prĂ©sent n’est jamais notre but. Le passĂ© et le prĂ©sent sont nos moyens ; le seul avenir est notre objet. Ainsi nous ne vivons jamais ; mais nous espĂ©rons de vivre ; et nous disposant toujours Ă  ĂȘtre heureux, il est indubitable que nous ne le serons jamais, si nous n’aspirons Ă  une autre bĂ©atitude qu’à celle dont on peut jouir en cette vie. Ennui et divertissement Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Rien n'est si insupportable Ă  l'homme que d'ĂȘtre dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son nĂ©ant, son abandon, son insuffisance, sa dĂ©pendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son Ăąme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dĂ©pit, le dĂ©sespoir. L’homme qui n’aime que soi ne hait rien tant que d’ĂȘtre seul avec soi. Il ne recherche rien que pour soi, et ne fuit rien tant que soi ; parce que quand il se voit, il ne se voit pas tel qu’il se dĂ©sire, et qu’il trouve en soi-mĂȘme un amas de misĂšres inĂ©vitables, et un vide de bien rĂ©els et solides qu’il est incapable de remplir. Qu’on choisisse telle condition qu’on voudra, et qu’on y assemble tous les biens, et toutes les satisfactions qui semblent pouvoir contenter un homme. Si celui qu’on aura mis en cet Ă©tat est sans occupation, et sans divertissement, et qu’on le laisse faire rĂ©flexion sur ce qu’il est, cette fĂ©licitĂ© languissante ne le soutiendra pas. Il tombera par nĂ©cessitĂ© dans des vues affligeantes de l’avenir et si on ne l’occupe hors de lui, le voila nĂ©cessairement malheureux. La dignitĂ© royale n’est-elle pas assez grande d’elle-mĂȘme, pour rendre celui qui la possĂšde heureux par la seule vue de ce qu’il est ? Faudra-t-il encore le divertir de cette pensĂ©e comme les gens du commun ? Je vois bien, que c’est rendre un homme heureux, que de le dĂ©tourner de la vue de ses misĂšres domestiques, pour remplir toute sa pensĂ©e du soin de bien danser. Mais en sera-t-il de mĂȘme d’un Roi ? Et sera-t-il plus heureux en s’attachant Ă  ces vains amusements, qu’à la vue de sa grandeur ? Quel objet plus satisfaisant pourrait-on donner Ă  son esprit ? Ne serait-ce pas faire tort Ă  sa joie, d’occuper son Ăąme Ă  penser Ă  ajuster ses pas Ă  la cadence d’un air, ou Ă  placer adroitement une balle ; au lieu de le laisser jouir en repos de la contemplation de la gloire majestueuse qui l’environne ? Qu’on en fasse l’épreuve ; qu’on laisse un Roi tout seul, sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin dans l’esprit, sans compagnie, penser Ă  soi tout Ă  loisir ; et l’on verra, qu’un Roi qui se voit, est un homme plein de misĂšres, et qui les ressent comme un autre. Aussi on Ă©vite cela soigneusement, et il ne manque jamais d’y avoir auprĂšs des personnes des Rois un grand nombre de gens qui veillent Ă  faire succĂ©der le divertissement aux affaires, et qui observent tout le temps de leur loisir, pour leur fournir des plaisirs et des jeux, en sorte qu’il n’y ait point de vide. C’est Ă  dire, qu’ils sont environnĂ©s de personnes, qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le Roi ne soit seul, et en Ă©tat de penser Ă  soi ; sachant qu’il sera malheureux, tout Roi qu’il est, s’il y pense. Aussi la principale chose qui soutient les hommes dans les grandes charges, d’ailleurs si pĂ©nibles, c’est qu’ils sont sans cesse dĂ©tournĂ©s de penser Ă  eux. Prenez y garde. Qu’est-ce autre chose d’ĂȘtre Surintendant, Chancelier, premier PrĂ©sident, que d’avoir un grand nombre de gens, qui viennent de tous cĂŽtĂ©s, pour ne leur laisser pas une heure en la journĂ©e oĂč ils puissent penser Ă  eux-mĂȘmes ? Et quand ils sont dans la disgrĂące, et qu’on les renvoie Ă  leurs maisons de campagne, oĂč ils ne manquent ni de biens ni de domestiques pour les assister en leurs besoins, ils ne laissent pas d’ĂȘtre misĂ©rables, parce que personne ne les empĂȘche plus de songer Ă  eux. De lĂ  vient que tant de personnes se plaisent au jeu, Ă  la chasse, et aux autres divertissements qui occupent toute leur Ăąme. Ce n’est pas qu’il y ait en effet du bonheur dans ce que l’on peut acquĂ©rir par le moyen de ces jeux, ni qu’on s’imagine que la vraie bĂ©atitude soit dans l’argent qu’on peut gagner au jeu, ou dans le liĂšvre que l’on court. On n’en voudrait pas s’il Ă©tait offert. Ce n’est pas cet usage mol et paisible, et qui nous laisse penser Ă  notre malheureuse condition qu’on recherche ; mais c’est le tracas qui nous dĂ©tourne d’y penser. De lĂ  vient que les hommes aiment tant le bruit et le tumulte du monde ; que la prison est un supplice si horrible ; et qu’il y a si peu de personnes qui soient capables de souffrir la solitude. [...] Les hommes ont un instinct secret qui les porte Ă  chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leur misĂšre continuelle. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de leur premiĂšre nature, qui leur fait connaĂźtre, que le bonheur n’est en effet que dans le repos. Et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus, qui se cache Ă  leur vue dans le fonds de leur Ăąme, qui les porte Ă  tendre au repos par l’agitation, et Ă  se figurer toujours, que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera, si, en surmontant quelques difficultĂ©s qu’ils envisagent, ils peuvent s’ouvrir par lĂ  la porte au repos. Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontĂ©s, le repos devient insupportable. Car, ou l’on pense aux misĂšres qu’on a, ou Ă  celles dont on est menacĂ©. Et quand on se verrait mĂȘme assez Ă  l’abri de toutes parts, l’ennui de son autoritĂ© privĂ©e ne laisserait pas de sortir du fonds du cƓur, oĂč il a ses racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin. C’est pourquoi lorsque Cineas disait Ă  Pyrrus qui se proposait de jouir du repos avec ses amis aprĂšs avoir conquis une grande partie du monde, qu’il ferait mieux d’avancer lui mĂȘme son bonheur, en jouissant dĂ©s lors de ce repos, sans l’aller chercher par tant de fatigues, il lui donnait un conseil qui recevait de grandes difficultĂ©s, et qui n’était guĂšre plus raisonnable que le dessein de ce jeune ambitieux. L’un et l’autre supposait que l’homme se pĂ»t contenter de soi-mĂȘme et de ses biens prĂ©sents, sans remplir le vide de son cƓur d’espĂ©rances imaginaires, ce qui est faux. Pyrrhus ne pouvait ĂȘtre heureux ni devant ni aprĂšs avoir conquis le monde. Et peut-ĂȘtre que la vie molle que lui conseillait son ministre Ă©tait encore moins capable de le satisfaire, que l’agitation de tant de guerres, et de tant de voyages qu’il mĂ©ditait. On doit donc reconnaĂźtre, que l’homme est si malheureux, qu’il s’ennuierait mĂȘme sans aucune cause Ă©trangĂšre d’ennui par le propre Ă©tat de sa condition naturelle et il est avec cela si vain et si lĂ©ger, qu’étant plein de mille causes essentielles d’ennui, la moindre bagatelle suffit pour le divertir. De sorte qu’à le considĂ©rer sĂ©rieusement, il est encore plus Ă  plaindre de ce qu’il se peut divertir Ă  des choses si frivoles et si basses, que de ce qu’il s’afflige de ses misĂšres effectives ; et ses divertissements sont infiniment moins raisonnables que son ennui. L'ignorance savante Si l’homme s’étudiait, il verrait combien il est incapable de passer outre. Comment se pourrait-il qu’une partie connĂ»t le tout ? [...] Donc toutes choses Ă©tant causĂ©es et causantes, aidĂ©es et aidantes, mĂ©diatement et immĂ©diatement, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus Ă©loignĂ©es et les plus diffĂ©rentes, je tiens impossible de connaĂźtre les parties sans connaĂźtre le tout, non plus que de connaĂźtre le tout sans connaĂźtre particuliĂšrement les parties. [...] La force est la reine du monde, et non pas l'opinion; mais l'opinion est celle qui use de la force. C'est la force qui fait l'opinion. [...] Les sciences ont deux extrĂ©mitĂ©s qui se touchent. La premiĂšre est la pure ignorance naturelle, oĂč se trouvent tous les hommes en naissant. L’autre extrĂ©mitĂ© est celle oĂč arrivent les grandes Ăąmes, qui ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent dans cette mĂȘme ignorance d’oĂč ils Ă©taient partis. Mais c’est une ignorance savante qui se connaĂźt. Ceux d’entre eux qui sont sortis de l’ignorance naturelle, et n’ont pu arriver Ă  l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux lĂ  troublent le monde, et jugent plus mal de tout que les autres. Le peuple et les habiles composent pour l’ordinaire le train du monde. Les autres le mĂ©prisent et en sont mĂ©prisĂ©s. Sauf exceptions, c'est la version de Port-Royal des PensĂ©es 1670. Article intĂ©grĂ© Ă  une petite histoire de la philosophie. . 349 192 338 30 43 251 399 385

un roi sans divertissement est un homme plein de misĂšres